Interview. Jean Dujardin à Dijon pour l’avant-première de son dernier film

Le film Sur les chemins noirs de Denis Imbert avec Jean Dujardin sortira le 22 mars au cinéma. Un film sur la rédemption, l’aventure et la liberté. Interview.

L’avant-première du film Sur les chemins noirs a eu lieu le 14 mars au cinéma Pathé et au cinéma Darcy de Dijon. Avant de s’y rendre, le réalisateur Denis Imbert et l’acteur Jean Dujardin ont répondu à nos questions.

À quel moment vous vous êtes dit que l’histoire de Sylvain Tesson pouvait s’adapter en film ? Qui en a eu l’idée ?

Denis Imbert lors de la conférence de presse pour le film Sur les chemins noirs à Dijon
Crédit photo : Quentin Scavardo/J’aime Dijon

Denis Imbert : C’est une idée que nous avons eu chacun de notre côté, et en même temps en commun. Ce qui nous a réuni, c’est le livre de Sylvain Tesson (Sur les chemins noirs, éd. Gallimard, 2016, ndlr.). D’ailleurs dans les histoires de rencontre autour d’un projet, c’est assez rare qu’il y ait un élément déclencheur qui réunisse un réalisateur et un acteur. Il se trouve que Jean venait de lire le livre et avait posté la couverture sur Instagram. J’en avais été averti alors que j’écrivais le scénario de mon côté. C’étaient nos premiers pas sur les chemins du livre.

Jean Dujardin lors de la conférence de presse pour le film Sur les chemins noirs à Dijon
Crédit photo : Quentin Scavardo/J’aime Dijon

Jean Dujardin : Je poste rarement sur Instagram, mais j’avais ressenti quelque chose dans ce récit qui pouvait faire du bien et j’ai voulu le partager. J’avais lu quelques récits de Sylvain, mais celui-ci me semblait plus intime et surtout très universel. De là à imaginer un film, j’en étais loin. Alors quand Denis m’a appelé en disant : « je viens d’adapter le récit avec Diastème« , j’étais très curieux. J’avais envie que ça me plaise en tout cas. Ce qui m’a plu dans ce film c’est de traverser les régions de notre magnifique pays, de marcher, de jouer de l’intérieur, jouer de l’intime et aller dans la reconstruction morale, physique et psychique de ce personnage. Le relief de la France est comme un médicament qu’elle veut vous offrir. C’est une ordonnance médicale.

On découvre les chemins noirs à travers le film. Comme les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, existent-ils vraiment ?

J.D. : Oui, ce sont des petits chemins recouverts par les ronces. D’ailleurs, c’est à vous de les chercher. Ça peut être un peu ce que vous voulez. En fait les chemins noirs, ce sont aussi vos chemins noirs, ça peut être vos chemins de la honte, vos chemins qui vont vers la sortie de quelque chose. Chacun y met un peu ce qu’il a envie de mettre.

D.I. : C’est une invitation à s’arrêter et ne pas forcément rester dans les vallées. On peut prendre de la hauteur et partir à la découverte de ces chemins. Je pense qu’il y a quelque chose du fantasme de notre enfance.

Dans la dernière interview que vous avez donnée à Sept à huit, vous avez déclaré votre amour à la France. Mais plus qu’à la France, ce film ne serait-il pas une déclaration d’amour à ces territoires oubliés et à la ruralité ?

J.D. : Si on trouve ça dans le film, tant mieux. Je préfère toujours l’évoquer par l’image. On a un territoire qui est absolument magnifique. Dans l’hyper-ruralité, comme le dit Sylvain, on y trouve un système D incroyable. Il y a effectivement des régions un peu oubliées, où il manque du réseau. Et en même temps, les gens trouvent ça pas mal d’être un peu éloignés de tout ça. Ce qui me frappe, c’est la solidarité énorme qu’on retrouve là-bas.

On parle des paysages mais il y a aussi les gens que vous avez rencontrés lors du tournage. Ce sont des rencontres atypiques en plus des personnages que vous avez amenés…

J.D. : Oui beaucoup. C’était incroyable, c’était presque de la figuration gratuite. L’agriculteur qui m’a donné la grappe de raisin, on l’avait rencontré deux minutes avant. Après le tournage, nous sommes allés le rejoindre pour prendre un verre ensemble… On est arrivé sur des places de village et il y avait de la joie, des gens, des rencontres. La frustration, c’est qu’on ne pouvait pas s’arrêter plus longtemps…

Dans le film

D.I. : C’est vrai que c’est l’avantage quand on traverse les villages avec Jean Dujardin. Les gens sont très avenants, curieux et polis. Il y a quelque chose de convivial qui se crée.

J.D. : Il y a une volonté de dire que ces zones étatiques grises ne sont pas forcément des zones de désolation. Si nous, urbains, nous quittons les villes pour aller découvrir ces régions, on va sûrement s’y sentir très bien, rencontrer des gens formidables et passer de très bons moments.

Dans le film, on retrouve par exemple la comédienne Anny Duperey. Comment l’avez-vous amenée à vos côtés ?

D.I. : Anny Duperey, c’est un peu notre marraine du cinéma. Je l’ai rencontré pendant les Césars et je suis tombé en pâmoison devant cette femme qui a un caractère très généreux. Elle fait partie des belles rencontres. Il y a également Jonathan Zaccaï, Izïa Higelin, Joséphine Japy et Dylan Robert… Et ce paysan dans le film, Yves Servières, qui maintenant est la star de la Lozère ! Je peux vous prévenir que les cachets ne seront plus aussi facile maintenant, ça va négocier sec (rires) !

Dans le film, on voit qu’il y a beaucoup de moments silencieux. C’était une volonté de votre part ? Peut-être une manière de dire qu’il faut laisser le temps au temps ?

D.I. : Totalement. J’ai l’impression qu’aujourd’hui on pose des questions et on veut avoir des réponses rapidement. On est dans l’immédiateté, on est dans cette dictature des écrans comme dirait Sylvain Tesson. Mais c’est vrai que j’aurais aimé que le film dure un peu plus longtemps… Je voulais vraiment que le spectateur vive le film, qu’il soit dans une espèce d’immersion et c’est vrai que ça passe aussi par les silences. J’ai des retours de personnes qui me disent « j’ai de l’espace, c’est une expérience personnelle qui se vit de l’intérieur« . Je vois le film comme quelque chose que l’on peut autant voir qu’écouter.

Vous pensez qu’après ce film, il y a des gens qui vont se dire « je peux le faire aussi » ?

D.I. : J’ai déjà croisé des personnes qui ont fait le chemin ; notamment un couple de retraités à Cherbourg qui ont pris le chemin inverse, du Cotentin au Mercantour. J’ai envie de dire qu’en France, on a 180.000 km de chemin et 55.000 km de passages balisés où on peut marcher. Vous avez une étape dans une auberge tous les 20 km et là vous passez une nuit délicieuse, vous dormez sous un toit… Je vous assure, c’est vraiment à la portée de tout le monde.

Le film Sur les chemins noirs de Denis Imbert avec Jean Dujardin est à retrouver dans les salles à partir du 22 mars.

Rédigé le 16/03/2023 par Déböna